Histoire
Séchilienne pendant la seconde guerre
22 août 1944 – La Croix du Mottet
Après la chute du Vercors en juillet, l’Oisans est devenu le dernier bastion de la Résistance alpine. À partir du 7 août 1944, l’armée allemande a tenté de réduire la poche de l’Oisans.
Le 10 août, un état-major s’est installé à Vizille, l’encerclement des Maquis de l’Oisans a commencé par la vallée de la Romanche, par les cols du Luitel, de la Croix de Fer, du Lautaret et d’Ornon.
Le 15 août, les troupes alliées ont débarqué en Provence. L’opération, baptisée Anvil Dragoon, menée par le général américain Patch, commandant de la 7e armée, mais pendant ce temps, l’opération de nettoyage en Oisans se poursuit.
Malgré la résistance du Maquis, l’étau se resserre inexorablement, le 19 août, les Allemands sont à Vaujany, l’étau est refermé, les maquis sont dans le piège.
Le changement de cap de l'état-major allemand
Les Américains, progressant sans résistance sur la route Napoléon, ont rapidement conquis Castellane, Barrême, Digne et Sisteron. En quatre jours, ils approchent de Gap.
Changement de stratégie : face à l’arrivée des Américains, l’état-major allemand décide de se replier sur Grenoble et de livrer bataille.
- Regroupement des forces : Les troupes de l’Oisans se replient sur Vizille et la Maurienne, prêtes à se déployer sur Grenoble.
- Expédition vers Gap : Un bataillon léger de la Wehrmacht en réserve à Vizille est envoyé à pied pour soutenir Gap. Afin de prendre le contrôle de la ville avant les Américains malgré leur flagrant désavantage de mobilité.
Les combats de la Croix du Mottet
Le 22 août est le théâtre de nombreux affrontements quasiment simultanés, en effet :
- Les troupes américaines et l’armée française libre, dont certains éléments précurseurs sont déjà dans le Pays Vizillois, progressent vers Grenoble,
- le bataillon allemand envoyé à Gap fait retour sur Vizille,
- les forces de la résistance en parallèle reçoivent pour instruction de faire barrage aux effectifs allemands qui tenteraient de se déplacer, ou de fuir par la montagne.
A 5 heures du matin, les patrouilles rapportent de nombreuses informations. Les liaisons téléphoniques révèlent que les troupes allemandes, cantonnées à Allemond et Oz, ont quitté les lieux par le Col du Sabot en direction de la Maurienne.
Parallèlement, les troupes allemandes de la vallée de la Romanche se replient sur Vizille. En réaction, les véhicules du Maquis sont remis en route, les sections disponibles sont regroupées et la colonne libère Rochetaillée, Livet, Rioupéroux et Gavet.
Les troupes allemandes se sont regroupées au Péage-de-Vizille, un bataillon d’Alpins appuyé par de l’artillerie est retranché dans le parc du château.
Conscient de l’importance stratégique de la Croix du Mottet, le Capitaine Lanvin y fait arrêter ses hommes et organise la défense, tenant les crêtes au-dessus du Péage-de-Vizille, depuis la vallée de la Romanche jusqu’à la route d’Uriage.
Ce dispositif confinerait les troupes allemandes retranchées dans le parc du château et les empêcherait ainsi de fuir par la zone boisée environnante. Le groupe Feget se positionne en bordure de route.
- Le groupe franc de Merlin est déployé au-dessus de la Croix.
- Le groupe Métal est déployé au-dessus du groupe franc de Merlin.
- Le groupe Piccard est déployé au-dessus du groupe Métal.
- Le groupe Armand est déployé au-dessus de la Croix.
- Le groupe Robert est déployé vers les Rivoirands.
- La Compagnie Bernard est tenue en réserve vers l’Île Falcon.
Vers 13 h 30, deux colonnes de voltigeurs allemands émergent du fossé et avancent fusil en main à la sortie du Péage, le long de la route en direction de la Croix du Mottet. Il s’agit des Chasseurs Alpins Bavarois. Les Alpenjäger, col de veste largement ouvert et manches retroussées, affrontent une chaleur accablante.
Sous le feu conjugué des armes automatiques des maquisards, les premiers rangs de soldats allemands sont neutralisés. La riposte allemande s’organise, mitraillant les taillis autour des maquisards, qui tiennent bon malgré des pertes légères.
À 14 h 00, les Allemands tentent de s’infiltrer et de gagner la vallée de la Romanche en traversant le torrent, mais ils sont inexorablement neutralisés.
À 15 heures, la section Pelletier arrive et est engagée vers les Rivoirands ainsi que la section Alexandre. On entend le tonnerre du canon du côté de Jarrie, Vizille, et bientôt, la route de Laffrey est également bombardée.
Les Américains tirent sur le parc, mais aussi sur la Croix du Mottet et les Rivoirands, prenant les maquisards pour des Allemands. Il faut se protéger de ces tirs qui gênent la progression.
Le capitaine Lanvin reçoit deux agents de liaison du CM du lieutenant Porte, rescapés du Poursollet. Ils lui annoncent que les Américains sont arrivés à La Morte. Il part alors en moto avec Lacour, un membre de la section Porte, et rejoint un officier américain à Saint-Barthélemy-de-Séchilienne. Il lui explique la situation : l’Oisans est libéré et Vizille est encerclée.
Les Américains sont informés par liaison radio et cessent leurs tirs contre les Rivoirands et la Croix du Mottet.
À 16 h 30, le capitaine Menton décide d’attaquer les positions allemandes. Il envoie un message au capitaine Lanvin, lui demandant de former un groupe de combat dans chaque fossé et de placer le groupe Feget le long de la digue. Les groupes progressent par bonds. Le capitaine Lanvin lui aussi s’élance par la route.
À 17h00, les groupes rencontrent un nid de mitrailleuses. Par miracle, il n’y a aucune victime, mais les rafales passent entre les hommes et frappent les talus. Le Capitaine Lanvin riposte immédiatement en fournissant des mitrailleuses et en dirigeant le tir. Pendant ce temps, le Capitaine Menton tente de contourner la position allemande.
Malheureusement, l’ordonnance du commandant est fauchée par une rafale de mitrailleuse. Deux hommes de la Compagnie Bernard sont également tués par des mitrailleuses américaines qui les ont pris pour des Allemands. Lanvin ordonne à ses hommes d’aller chercher des drapeaux de signalisation.
Après un moment qui semble interminable, les drapeaux arrivent enfin, portés de main en main. Les tirs américains cessent. Depuis les hauteurs, les tirs des armes automatiques neutralisent les mitrailleuses ennemies. La section Bernard aligne également deux lance-grenades, ce qui pousse les Allemands à battre en retraite.
Une jeune femme s’approche et annonce l’intention de se rendre de tout un groupe d’Allemands. Inquiets, ils craignent d’être exécutés, mais ils sont rassurés. Ils remettent alors leurs armes aux maquisards.
Depuis l’entrée du Péage, un canon anti-char continue de tirer. Le groupe de mitrailleuses de Métal le réduit au silence. Les hommes dégringolent alors des rochers, chargent et s’emparent du canon.
À 19h00, la gare du Péage est occupée. Un messager informe le Capitaine Lanvin que la liaison avec les Américains est établie au Péage
Le gros de la troupe allemande, ne souhaitant pas se rendre aux maquisards, préfère se rendre aux Américains qui ont progressé jusqu’au pont de Saint-Pierre. Ces prisonniers sont regroupés de l’autre côté du pont.
la route est libre !
(Article : M. Thuillier des Amis du Pays Vizillois)
Pour aller plus loin
Le Pays Vizillois à l’épreuve de la guerre 1940-1945, éditions des Amis de l’Histoire du Pays Vizillois.
Rapport Lespiau, 25 août 1944 (Service historique de la Défense, 16 P 748).
Brochure « Les combats d’août 1944 en Oisans », éditée par l’Association Mémoire de l’Oisans.
Notices Maitron sur le Maquis de l’Oisans. Site associatif « Maquis de l’Oisans ».
Crédits photographiques
- Photos contemporaines de la Croix du Mottet : © Ville de Séchilienne / DR
- Photos des officiers : Amis de l’histoire du pays vizillois et Association du maquis de l’Oisans