La Croix du Mottet

"LA CROIX DU MOTTET" ANDRÉ GLAUDAS

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« Usseni », lorsque de Grenoble tu montes en Oisans, regarde d’un œil curieux à main gauche cette croix blanche perchée sur l’éperon rocheux qui sépare le bassin de Vizille de celui de Séchilienne.
Appelée « La Croix du Mottet », tout à la fois borne, oratoire, lieu de pèlerinage et de souvenirs, ce verrou glaciaire, passage obligé, a son histoire et même sa légende.
Elle présente aux yeux de l’historien plus d’intérêt que « les ruines » très médiatisées de l’île Falcon, situées légèrement plus en amont et supposées source d’un très prochain cataclysme…
L’origine du nom.
Les seigneurs DU MOTTET, seigneurs de Séchilienne de 1601 à 1743 n’ont pas tenu en Dauphiné une place de tout premier plan. On les voit cependant, du XIVe au XVIIIe siècle, servir, parfois brillamment, à toutes les grandes heures de l’histoire de France.
Originaire d’Embrun, cette famille se fixe à Grenoble au milieu du XIVe siècle. C’est Charles, le deuxième du nom qui devient le grand homme de la famille qui ira en déclinant après lui. Charles II du Mottet, administrateur, diplomate et soldat, se distingue après de Catherine de Médicis et des rois Charles IX, Henri III et enfin Henri IV. Les guerres de religion lui sont bénéfiques. Il achète pour 5000 écus le 10 septembre 1601 au seigneur d’Albigny* les seigneuries de Séchilienne et Oulles** avec « tous les droits y attachés ». les Du Mottet conservent cet antique héritage de la famille des Alleman*** jusqu’en 1743, date où leur nom s’éteint.
Au milieu du XVIIe siècle, Pierre du Mottet, fils de Charles II, soutient un procès pour la délimitation de sa seigneurie avec le mandement de Vizille, contre Messire François de Créqui,
Pour bien marquer ses limites de propriétés avec celles de Vizille, Pierre du Mottet érige une grande croix de bois sur l’éperon rocheux qui borne encore de nos jours les deux communes de Vizille et Séchilienne.
Son caractère religieux.
Pour protéger Vizille et son château des trop fréquents débordements de la Romanche,le connétable de Lesdiguières aménage le long des rives de l’impétueux torrent des murs de soutènement. Les premières digues prennent appui au rocher de la Croix du Mottet. C’est ainsi que Vizille consacre une dévotion particulière à cette croix qui veille sur sa destinée. Il se crée l’usage de s’y rendre en pèlerinage pour demander, suivant les circonstances, la pluie ou le beau temps.
En mai 1856, à la fonte des neiges, les flots de la Romanche en crue rompent plusieurs digues et menacent directement Vizille. Il faut que les digues de la Croix du Mottet tiennent bon. Les Vizillois se rendent donc en nombre sur les lieux pour renforcer les ouvrages. En présence des autorités et de la population, le chanoine Dupuy, archiprêtre de la paroisse, fait, au nom de tous, le vœu d’ériger un monument de dévotion à la place de l’ancienne croix de bois, si la ville est épargnée ; elle le fut et le vœu sera accompli.
C’est en 1870 que l’oratoire, en l’honneur de la Vierge Marie, sous le vocable de Notre-Dame de la Garde, surmonté d’une croix de pierre, est réalisé. Une inscription relate le vœu fait en 1956 par les Vizillois****1856 ex voto civitatis – vizille – aquis exundantibus
Qui peut se traduire par : « À la suite du vœu de la ville de Vizille, les eaux [de la Romanche] ne s’étant pas répandues-1856 ».
Autour de cette croix, une légende est née. Devenue oratoire elle sera, au cours du temps, lieu de procession et de dévotion à la Vierge, consacré aux nombreuses inondations de l’irascible Romanche.
Les vicissitudes du monument.
Au fil du temps, la nature et les hommes n’épargnent pas les outrages à ce vénérable monument de la Croix du Mottet.
Renversée et brisée par une tempête, la croix est remplacée en 1875 par une autre, en pierre du Fontanil, plus solidement fixée sur son piédestal.
Le développement du tourisme de montagne nécessite l’amélioration constante de la seule route nationale qui dessert l’Oisans. En 1932, un premier élargissement du virage fait sauter le rocher qui supporte le monument de la Croix du Mottet. Une souscription permet de reconstruire le calvaire à l’identique un peu plus haut.

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En prévision d’une circulation accrue à l’occasion des jeux olympiques de 1968, la route subit de nouvelles améliorations. On enlève les rails métriques, derniers vestiges du train à vapeur qui desservait Bourg d’Oisans et les usines de la vallée et, à la Croix du Mottet, on attaque de nouveau l’éperon rocheux. Le service de l’équipement se charge du déplacement et de reconstruction pierre par pierre de l’oratoire, surmonté d’une nouvelle croix.
Action incivique, prémices d’un comportement aujourd’hui banalisé, la statue en fonte de fer de la vierge est volée, la grille de fer descellée. C’était en 1988. Une autre statue prendra sa place.

1944. les combats de la Croix du Mottet.

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À l’aube de la Libération, les Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.), repliées sur Rivier d’Allemont lancent une offensive. Le 22 août, ils descendent la vallée de la Romanche et prennent position sur l’éperon rocheux de la Croix du Mottet pour contrecarrer l’action des troupes allemandes regroupées dans le parc du Château de Vizille. Celles-ci cherchent à échapper à l’avancée inexorable des troupes américaines.
Un monument commémoratif évoque aujourd’hui à la Croix du Mottet ces combats qui honorent les maquis de l’Oisans.
Usseni, l’histoire de la Croix du Mottet te rendra peut-être moins indifférent à sa présence. Sentinelle plantée fièrement sur son éperon rocheux aux marches du pays d’Oisans, elle défie le temps et veille sur nous. Elle semble nous dire :  
« Attention, passant, on monte en Oisans,
ni par mer, ni par terre, mais par rocs et par pierres ».

  • C’est par sa mère, Guigonne Alleman, que Charles de Simiane d’Albigny était seigneur de Séchilienne et Oulles, berceau d’une branche célèbre et puissante de la famille des Alleman. Trois membres de cette famille seront évêques de Grenoble : Siboud, Laurent 1er et Laurent II. Le chevalier Bayard lui-même en est issu par sa mère Hélène Alleman.

 

  • Le 11 mai 1226, le Dauphin André, tout en conservant la souveraineté pleine et directe sur le mandement de l’Oisans, cède par échange à Aymard Alleman, seigneur de Séchilienne « le territoire Doule (Oulles). Les gisements de minerai de fer de cette contrée sont l’enjeu de la transaction. Les habitants continuent de fréquenter Bourg d’Oisans et c’est là que s’effectue la révision des feux (déclarations fiscales). Séchilienne et Oulles, par un arrêt de la Chambre des Comptes du 10 mai 1622, sont séparés quant à la taillabilité. Tout en étant la propriété des seigneurs de Séchilienne, Oulles se rapproche de son mandement d’origine. On note qu’au recensement de 1755, il est appelé « Oulles-en-Oisans ».

 

  • François de Créqui de Bonne, comte de Sault, troisième Duc de Lesdiguières, pair de France, gouverneur et lieutenant-général pour sa majesté en Dauphiné, était, par son grand-père le connétable de Lesdiguières, propriétaire des terres et du château de Vizille, mais également de nombreuses terres et forêts en Oisans. Une rue du Bourg d’Oisans porte son nom ; « La rue Créqui ».

 

  • 1856 ex voto civitatis – vizille – aquis exundantibus

Qui peut se traduire par : « À la suite du vœu de la ville de Vizille, les eaux [de la Romanche] ne s’étant pas répandues-1856 ».